Les colonisateurs de l'estran

 

Sur nos catas, nous nous prenons pour des aventuriers, des voyageurs, mais partout autour de nous, la vie marine nous observe. Parmi elle, on trouve de véritables aventuriers, provenant des quatre coins du monde. Ce sont les espèces introduites et/ou invasives.

 

Car sous nos yeux se déroule une véritable guerre des clans, digne des plus célèbres séries américaines, non pas pour la conquête d’un trône de fer, mais pour coloniser nos estrans (bah oui ce sont les plus beaux donc c’est normal).  Ainsi, on y retrouve aussi bien des algues, des coquillages ou des crustacés, arrivés pour la plupart sur nos côtes depuis quelques décennies.

 

Mais avant de commencer, il faut bien distinguer les espèces qui ont simplement agrandie leurs aires de répartition, comme le phoque qui est redescendu de lui-même sur les côtes françaises depuis la fin du siècle dernier en provenance des côtes anglaises, et les espèces introduites volontairement ou non par l’Homme comme celles qui vont suivre.

 

La Crépidule en guise d’égérie !!

Vous avez sans doute entendu parler de la crépidule, et en tout cas vous en avez forcément croisé (voir écrasé en char à voile) devant le CNC. Outre le fait d’avoir une sexualité totalement débridé (ce n’est pas un hasard si son nom latin est « crépidula fornicata ») cette espèce est l’une des plus envahissante de nos côtes. Cette voyageuse nous serait dans un premier temps arrivée par les élevages d’huîtres de Virginie, implantée en Angleterre à la fin du XIXème siècle. Toutefois, son explosion démographique date de la 2nde guerre mondiale avec l’arrivée massive des barges du débarquement. Comme vous pouvez l’imaginer, elle n’a pas pris de ticket pour monter à bord, mais s’est solidement accrochée à la coque des navires (sans culotte de trap, s’il vous plait), pour en descendre une fois sur nos côtes. Elle pose aujourd’hui d’importants problèmes en terme de concurrence alimentaire aux moules en baie du Mont-St-Michel.

 

Les palourdes européennes, écrasées par les palourdes japonaises

La palourde, bien souvent la proie des pêcheurs à pied qui descendent sur les grèves à proximité du CNC, sont aujourd’hui majoritairement des palourdes dîtes « japonaises ». On devrait plutôt dire « asiatiques », puisque leur nom latin « decussatus philippinarum » nous laisse plutôt penser qu’elles seraient originaire des Philippines. Or, d’après les récentes études scientifiques, les palourdes japonaises représentent aujourd’hui près de 95% du stock de palourdes de nos côtes. Une domination sans merci pour nos pauvres palourdes européennes. La raison de l’arrivée des palourdes japonaises sur nos côtes ? L’élevage bien sûr. La palourde japonaise atteint sa taille de commercialisation en trois ans au lieu de quatre pour la palourde européenne, elle est donc bien plus intéressante pour les affaires…

 

Et les huîtres alors…

Le saviez-vous ? Toutes les huîtres d’élevage ont été introduites dans notre paysage littoral. Pour les connaisseurs, seule l’huître plate est originaire de nos côtes. Lors de la mise place des premiers parcs ostréicoles (parc à huîtres) sur nos côtes, l’huître élevée était d’abord originaire du Portugal. Mais décimée par une maladie, elle fût remplacée par l’huître japonaise à la fin des années 60 qui est encore aujourd’hui élevée dans nos parcs.

 

Une introduction et des répercussions :

En important les huîtres japonaises, les ostréiculteurs ont introduit de nombreuses autres espèces. La Sargasse par exemple, bien connue des marins, n’est pas comme son nom le laisse imaginer, originaire de la Mer des Sargasses, mais bien des eaux japonaises. Ces algues, pouvant atteindre une dizaine des mètres, et ayant la fâcheuse tendance à s’accrocher dans les hélices de bateau, ont profité des importations d’huîtres pour s’implanter sur notre territoire.

 

Comme vous l’aurez compris, les exemples ne manquent pas. Nous pourrions également évoquer les ascidies japonaises (arrivées par les eaux de ballaste des navires anglais de retour de la guerre de Corée), les voleuses d’huîtres (arrivées elles aussi avec les naissains d’huîtres), ou bien encore la balane de Nouvelle-Zélande (issue des coques de bateau pendant la 2nde guerre mondiale).

 

Et le prochain, le crabe géant ?

Imaginez des crabes faisant 1 mètres et pouvant peser jusqu’à 10 kg. On a plus envie de tomber du paddle avec ça sous les pieds !! Originaire de l’extrême orient russe, ils ont été implantés par des scientifiques dans les années 60 à la frontière entre la Russie et la Norvège. Très vorace, cette espèce est rapidement descendue le long de la côte Norvégienne. Même si son aire de répartition semble stagnée depuis quelques temps, il n’est pas exclu qu’elle se rapproche de nos côtes à l’avenir…